« Je pensais que le laisser trotter voulait dire qu’il « gagnait », donc je le retiens au pas la majeure partie du temps […] Je pense que je vais lui demander le trot dès le début maintenant, comme ça c’est moi qui donne l’ordre et ça lui permettra d’évacuer son énergie ».
Est-ce que ce témoignage vous interpelle ? Comment envisagez-vous la relation cavalier-cheval ? Est-ce une question d’autorité ? Doit-on s’imposer en leader de son cheval ? Y a-t-il un dominé et un dominant ? Un perdant et un gagnant ? Le cavalier doit-il être un donneur d’ordres ? Autrement dit comment créer une « bonne » relation avec son cheval ?
Suite à l’article Comment réagir face à un cheval qui chauffe en promenade ? j’ai reçu le témoignage ci-dessus et je dois dire qu’il m’a vraiment interpellé ! Parce qu’il fait écho à tout un tas d’idées reçues et de pratiques courantes dans le monde du cheval, qui, à mon avis, nuisent à la fois au bien-être du cheval et au bien-être du cavalier.
La cavalière me dit d’ailleurs dans son message que son cheval chauffe au premier galop et que de son côté, c’est « très fatiguant pour [elle] d’être toujours à tendre [ses] rênes ». Stress d’un côté, fatigue et culpabilité de l’autre … Quel rapport doit-on créer avec notre cheval ?
Idées reçues : autorité du cavalier et soumission du cheval
Soumission du cheval et autorité du cavalier : les croyances populaires
Il y a des choses que tout le monde sait ! Essayez de discuter à table des problèmes que vous rencontrez avec votre cheval, vous trouverez toujours quelqu’un, cavalier ou pas, pour vous dire des choses du genre : « Montre lui que c’est toi le patron ! », « C’est toi qui commande », « Ne le laisse pas prendre le dessus », « Le cheval doit céder et être disponible »…
La relation avec le cheval est de fait placée dans une relation d’autorité descendante et de rapport de force. Il y a forcément un gagnant, le cavalier et un perdant, le cheval, qui doit se soumettre aux ordres.
Quand on sait que le cheval pèse à peu près 10 fois plus lourd que son cavalier, on est tenté effectivement de vouloir soumettre le cheval pour pouvoir se protéger. Parce que le cheval est plus puissant, nous devons entrer dans un rapport de force.
Mais pour moi, c’est justement parce que le cheval est plus puissant que nous n’avons pas intérêt à entrer dans un rapport de force ! Est-ce que cela veut dire que mes chevaux sont dominants, qu’ils ne me respectent pas ou même qu’ils sont dangereux ?… Pas du tout ! Bien au contraire puisque mes chevaux sont confiés à des enfants tous les mercredis et tous les samedis au poney-club !
Comportements conditionnés : le prédateur et sa proie
De même, des idées reçues sur l’équitation dite éthologique ont amené à simplifier le discours et à réduire les relations entre les cavaliers et les chevaux à des comportements conditionnés par le statut de proie du cheval et par le statut de prédateur de l’humain.
Le cavalier cherche alors des solutions pour imposer son leadership, et se faire respecter dans la hiérarchie du troupeau.
Mais soyons clair, le cheval est un cheval… Et le cavalier est un humain ! Autrement dit, il est illusoire de croire que l’humain doit se montrer dans l’attitude du cheval dominant ! Car pour le cheval, il est très clair que vous ne faites pas partie du troupeau de chevaux ! Vous n’appartenez pas à la même espèce !
Autorité ou Education bienveillante dans la relation cavalier-cheval ?
Si les rapports de force amènent forcément un gagnant et un perdant, et s’il est impossible pour un humain de devenir cheval, alors est-il possible de créer une relation de complicité cavalier cheval ? Un échange entre humains et équidés ?
Les travers de l’autoritarisme
Sans faire pour autant de l’anthropomorphisme, je crois que l’on peut faire un parallèle entre les interactions des humains et les interactions du cavalier et de son cheval.
Dans les relations entre humains, quels soient professionnelles ou familiales, je pense notamment aux relations parents-enfants, on peut envisager l’éducation sous différentes formes.
Pendant très longtemps, en France, la norme était une éducation autoritaire descendante où le parent (ou l’enseignant) avait le savoir, qu’il transmettait à l’enfant. Le pouvoir venait donc d’en haut et la relation entre le savant et l’apprenant était inscrite dans une logique de soumission.
Aujourd’hui les choses évoluent. Un autre modèle éducatif, l’éducation bienveillante, se développe. La relation entre le parent et l’enfant, ou entre l’enseignant et l’apprenant est un modèle basé sur la coopération et sur l’empathie. L’enseignant est respecté pour son savoir mais aussi pour sa capacité à mettre en place des situations qui permettent à l’apprenant d’être acteur de son apprentissage et donc d’y retirer du plaisir. (Si l’éducation bienveillante vous intéresse, je vous conseille ce blog : https://www.les-supers-parents.com/ )
De la même façon, il est complètement possible de sortir d’un autoritarisme primaire dans l’éducation, « c’est qui l’parton » et dans nos relations avec nos chevaux avec l’équitation bienveillante.
Une éducation bienveillante avec nos chevaux
Du dressage à l’éducation
Vous remarquez certainement qu’aujourd’hui, on ne parle plus de « dresser un cheval », ou même de « dresser un chien », mais on emploi le mot « éducation ». Et c’est déjà une grande avancée. Par le terme même d’éducation, on sous-entend l’intelligence de l’animal qui est capable d’être acteur dans son apprentissage.
A partir de là va pouvoir s’établir un dialogue entre le cavalier et le cheval. Le savoir n’est donc plus descendant, il s’étoffe, il s’enrichit de l’expérience de chacun.
Communication, échange et empathie
Si on reprend le témoignage de la cavalière citée plus haut, on peut noter que le cheval, par le fait même de chauffer en promenade, envoyait un message à sa cavalière lui signifiant qu’il était content d’aller en promenade, qu’il avait beaucoup d’énergie à dépenser. De fait, comme le cheval demandait d’avancer, sa cavalière par opposition, pour que ce soit elle qui « garde le dessus », forçait alors son cheval à rester au pas. « C’est moi qui décide ». Ce qui avait pour effet de stresser encore plus le cheval, de fatiguer la cavalière et de lui faire peur par la même occasion, l’amenant à écourter la promenade.
Au final, la cavalière était déçue de sa promenade et culpabilisait de ne pas être à la hauteur. Le cheval de son côté qui était tout feu tout flamme se retrouve à nouveau dans son paddock.
Si la relation entre le cavalier et le cheval était basée sur l’échange, la communication et l’empathie, devant la joie du cheval et son trop-plein d’énergie, la cavalière aurait pu réagir complètement différemment. Elle aurait déjà pu constater la joie de son cheval pétillant d’aller se promener. « Eh bien mon Dadou, on dirait que ça te fait plaisir cette petite sortie sur la plage ! Tu as de l’énergie à revendre ! » Elle aurait alors compris son besoin, celui de se défouler et lui aurait donc permis tout naturellement de se mettre au trot, en détendant ses rênes, en toute confiance !
Croyez-vous que le cheval, tout pervers qu’il est, ce serait dit : « Ah ah, j’ai voulu partir au trot, et je suis partie au trot ! C’est moi le Big Boss ! Alors maintenant je vais faire plein de ruades exprès pour la faire tomber et lui montrer que c’est moi l’parton » ?
Sans pour autant penser que le cheval est un pervers, vous allez peut-être me dire que, oui, il aurait pu partir comme un débile au grand galop en arrachant les doigts de sa cavalière … En fait, tout dépend sur quoi est basée la relation du cavalier et du cheval.
Former un couple cavalier-cheval
Pour former un couple cavalier/cheval, il va falloir bâtir les bases d’une relation de complicité. Et les 3 piliers d’une bonne relation sont : le respect, la confiance et l’engagement.
Le respect, pilier de la relation cavalier cheval
Si vous avez lu mon livre « Travail à pied, 10 exercices pour devenir complices », vous devez savoir que le respect est la qualité numéro 1 que je travaille avec mes poulains. Définir les règles du respect, c’est pour moi donner des limites, donner un cadre à la relation du couple cavalier/ cheval. Il y a deux aspects indissociables : le respect du cheval envers le cavalier et le respect du cavalier envers le cheval.
Respect du cheval envers le cavalier à pied
Nous le disions plus haut, le cheval pèse à peu près dix fois plus lourd que son cavalier. Donc vous serez d’accord avec moi pour dire que la règle numéro un à définir avec votre cheval est de ne pas vous écrabouiller !
Dans mon livre, que vous pouvez télécharger gratuitement en cliquant ici, je présente les exercices que je fais avec mes chevaux pour leur apprendre à respecter une distance de sécurité entre mon corps et leur corps. C’est une règle vitale. Mon cheval ne doit pas me sauter dans les bras au premier papillon.
De la même façon que, par empathie, je vais adapter mon discours de monitrice en fonction de la personne à qui je parle, à un adulte ou un enfant par exemple, je vais faire de même pour le cheval en utilisant un discours qu’il peut comprendre. Je vais donc utiliser mon langage corporel pour communiquer cette règle à mon cheval. Et comme je travaille avec un poulain, je vais utiliser le jeu pour qu’il puisse prendre du plaisir dans cet apprentissage et bien s’approprier cette règle, qui sera la base de toute notre relation future. C’est une étape cruciale du pré-débourrage.
Notez que j’aurai pu aussi lui hurler dessus et le cravacher pour lui montrer que je suis le Big boss. Soyons honnête, cette stratégie est largement répandue. Il y a qu’à voir les méthodes qu’utilisent certains cavaliers pour faire monter leur cheval dans un camion. Admettons alors que je me fiche du bien-être animal et que ce qui m’intéresse c’est le pouvoir et la domination (Oh, faites un effort d’imagination !). Qu’est-ce que je risque ?
Et bien la première chose, c’est qu’à chaque fois que je vais avoir un problème avec mon cheval, il va falloir que j’utilise encore plus de violence pour me faire respecter.
Et la deuxième chose, c’est que dès que mon cheval en aura l’occasion, il essayera de me fuir pour se protéger de mes coups. J’aurai donc du mal à l’attraper au champ, par exemple, ou à le travailler en liberté. Jusqu’au jour où le cheval, excédé par mes violences, se retournera contre moi et me fera goûter à ses jolis sabots !
Respect du cheval envers le cavalier monté
Une fois le cadre des relations cavalier-cheval bien posé à pied et acceptées de chacun, le cavalier devra étendre son cadre de respect aux relations montées. Le cheval a appris à respecter le cavalier à pied, il devra maintenant apprendre à respecter ses aides à cheval. Réagir à une pression des jambes pour avancer, réagir aux mains et au poids du corps pour s’arrêter …
C’est le travail de la période de débourrage. On a souvent tendance à réduire le débourrage à l’acceptation du poids du cavalier. Pour ma part la période de débourrage inclut aussi la réponse aux aides du cavalier. Répondre aux aides du cavalier c’est pour le cheval comprendre les intentions que le cavalier lui communique et y répondre. Dans le travail à pied, le cavalier a utilisé le langage corporel du cheval pour communiquer avec lui. Dans le travail monté, ce sera au cheval d’apprendre à décoder le langage du cavalier, ses aides, et d’y répondre.
C’est ainsi que commence à un vrai dialogue avec le cheval où chacun apprend à utiliser le langage de l’autre pour communiquer.
Mais vous allez me dire que dans les deux situations que je vous ai présentée, le travail à pied et le travail monté, le cheval n’a rien demandé et qu’on ne pas vraiment alors parlé dans le dialogue, le cheval n’étant pas « force de proposition ».
Respect du cavalier envers les besoins physiologiques de son cheval
Pour autant le cheval ne pourra respecter les demandes de son cavalier que si lui-même est respecté dans ses propres demandes. Et la première de ses demandes est effectivement le respect de ses besoins physiologiques.
Alors quels sont les besoins physiologiques du cheval ? Avoir de la nourriture en quantité, adaptée à son système digestif. Avoir de l’eau propre à volonté. Le cheval doit aussi pouvoir interagir librement avec ses congénères et avoir avec eux des relations tactiles, qui sont absolument essentielles à sa santé mentale. Enfin, le cavalier doit veiller à lui procurer un environnement propice à son repos.
Respect de l’intégrité physique et psychique du cheval au travail
Le cavalier doit aussi respecter l’intégrité physique et psychique de son cheval au travail. C’est sa « part du contrat ». Cela veut dire avoir une attention particulière à ne demander au cheval que des exercices que son âge et sa morphologie lui permettent. Par exemple ne pas attendre d’un cheval de trois ans qu’il ait un galop rassemblé… D’arrêter le travail lorsque le cheval communique au cavalier sa fatigue. Et à l’inverse prendre en compte le fait que le cheval n’est pas sorti depuis un moment et qu’il ait un trop plein d’énergie.
Par exemple, si vous avez la chance d’avoir à la maison un petit pur-sang arabe de 5 ans et que vous ne le sortez qu’une fois par mois pour une promenade au pas, il y a une discordance entre le physique de votre cheval et le travail que vous attendez de lui.
Savoir écouter l’envie du cheval
Le respect, c’est aussi savoir écouter l’envie du cheval. Si par exemple, vous avez envie de travailler à pied en liberté avec votre cheval, cela va demander une grande force de connexion entre vous deux. Et il se peut que le cheval n’ait pas envie. Peut-être est-il intéressé par les juments du paddock d’à côté ? Peut-être a-t-il des courbatures de la dernière séance ? Il est peut-être en train de tomber malade… Finalement, peu importe. Le cavalier propose et le cheval ne répond pas. Cela arrive et ce n’est pas la fin du monde ! Il vous arrive à vous aussi d’être moins disponible. Et ce n’est pas parce que votre cheval n’est pas connecté avec vous aujourd’hui qu’il n’y sera pas demain.
Le problème est que le cavalier prend souvent cela comme un affront. Le refus du cheval influe sur l’égo du cavalier et cela engendre tout un cocktail d’émotions négatives comme la colère, la sentiment d’infériorité, le rejet… Ne prenez donc pas les choses contre vous ! Le cheval ne refuse pas contre vous, il le refuse pour lui. Andy Booth a dit : « Pour s’ouvrir aux chevaux et à ce qu’ils peuvent nous apprendre, il faut remballer son égo ». Si votre séance ne se passe pas aujourd’hui comme vous voudriez et si vous sentez que cela vous frustre, alors arrêtez maintenant avant de faire des bêtises, vous reprendrez votre séance demain !
La confiance, deuxième pilier d’une bonne relation
La confiance est bien sûr essentielle pour avoir des relations cavalier cheval de qualité. Le cavalier doit pouvoir avoir confiance en son cheval et le cheval doit pouvoir avoir confiance en son cavalier.
Confiance du cavalier envers son cheval
Si, comme la cavalière mentionnée plus haut, vous avez un cheval qui déborde d’énergie et qu’il vous demande d’avancer, de partir au trot et au galop, savoir répondre à sa demande et ouvrir ses doigts sur les rênes est essentiel. En faisant cela, vous lui dites que vous avez entendu et compris son besoin et que vous lui faites confiance. Vous avez appris à votre cheval à respecter vos aides de cavalier, donc il n’y a aucune raison que lorsque vous le faites partir au trot, il vous arrache les rênes et parte au galop. Bien au contraire, votre cheval va s’apaiser puisque vous lui donnez l’opportunité de combler son besoin et d’évacuer son trop plein d’énergie. Après bien sûr vous n’êtes pas à l’abri d’une petite ruade mais qui ne sera là que pour exprimer la joie du cheval, et non pour vous désarçonner.
Confiance du cheval envers son cavalier
De la même façon, le cheval doit pouvoir avoir confiance en son cavalier. Vous êtes en promenade, vous devez passer sur un petit pont de bois et votre cheval a peur. Vous lui demandez de passer quand même, par votre voix, votre assiette et vos jambes. Si jamais le pont n’était pas solide et que votre cheval passait un sabot au travers, vous pouvez être sûr(e) qu’il ne vous fera plus confiance. Il est donc essentiel de ne demander au cheval que des choses qu’il est capable de faire et qui ne le mettrons pas en danger.
L’engagement, troisième pilier de la connexion avec son cheval
Le troisième pilier de la relation cavalier-cheval est à mon avis l’engagement. Qu’est-ce que j’entends par engagement ? Et bien, la constance de la relation, la recherche de l’épanouissement et le dévouement.
Engagement dans la constance
La constance de la relation, c’est le fait d’aborder le travail du cheval toujours de la même façon. Ce n’est pas parce que vous avez eu une mauvaise journée, ou que votre petit(e) ami(e) vous a quitté que vous devez pour autant changer votre comportement avec votre cheval. Si le cavalier se laisse déborder par ses émotions, le cheval ne pourra pas le comprendre. Cela demande un certain self-control, une capacité du cavalier à prendre sur lui pour ne pas laisser la colère, la tristesse ou le stress prendre possession de sa relation avec le cheval.
Typiquement, si vous êtes stressé par le fait d’aller en concours ou pire que vous êtes déçu par votre mauvais classement et que vous vous en prenez à votre cheval parce qu’il refuse de monter dans le van, vous détériorez les deux piliers précédents, à savoir le respect et la confiance.
Engagement dans l’épanouissement
De même dans les exercices proposés au cheval le cavalier devra toujours rechercher l’épanouissement de celui –ci. Vous avez un cheval qui a tendance à creuser son dos ? Qui a mal en portant son cavalier ? Si vous lui apprenez grâce à vos aides à se mettre sur la main, à tendre son dos et à engager des postérieurs, le cheval se rendra très vite compte que les actions que vous lui demandez lui apportent du bien-être et sera d’autant plus à l’écoute de vos demandes.
Engagement dans le dévouement et l’écoute
Enfin le dévouement, c’est d’aller ensemble au bout du monde ! Comme vous m’avez dit que vous aimiez bien les anecdotes (et que j’aime bien raconter ma vie) je voudrais partager avec vous un épisode très marquant de ma vie de cavalière.
Un jour, j’accompagnais un groupe de cavaliers sur une randonnée de plusieurs jours. La cinquième journée était une grosse étape : beaucoup de kilomètres, beaucoup de dénivelé, et une chaleur étouffante. Vous rajoutez à cela un chemin bouché qui nous oblige à faire demi-tour et le gérant de l’étape qui m’appelle en me disant que si nous ne sommes pas arrivés pour 19h30, il ferme et personne ne sera là pour nous accueillir ! Vous imaginez un peu mon état de stress !
Je n’avais pas le choix, il allait falloir trotter un bon moment pour être à l’heure à l’étape. Je montais Pendjab, mon poney français de selle. Au bout de quelques temps, j’avais beau serrer mes jambes, l’encourager à la voix, je sentais que cela devenait trop difficile pour lui. Alors, je l’ai arrêté, je suis descendue et je me suis mise à courir devant lui pendant plusieurs kilomètres. Et bien figurez-vous que j’ai vraiment perçu quelque chose qui avait changé dans son regard. Et quand à mon tour, je n’en pouvais plus de courir, je suis remontée dessus et il est reparti de plus belle !
J’ai vraiment eu la sensation qu’il était quelque part reconnaissant de ce que j’avais fait pour lui ! Maintenant, je sais que si je lui demandais de partir au bout du monde … On irait ensemble !
Passer du temps avec son cheval
Enfin, je dirais que pour construire une belle relation cavalier-cheval, c’est comme tout, il faut attendre que le temps fasse son travail !
Les années rendent la relation solide
Comme dans les relations entre humains, avec le temps, la relation entre le cheval et le cavalier va devenir de plus en plus solide. On se découvre petit à petit et au bout de quelques années, on connaît l’autre par cœur. Ce qu’il aime, ce qu’il n’aime pas, sa façon de réagir …
Lorsque j’ai acheté mes premiers chevaux de club, ils avaient deux ans et demi. Certains d’entre eux ont aujourd’hui 17 ans ! La relation est devenue tellement familière qu’elle parait parfois intuitive, comme si tout se passait par la pensée ! On se connaît, on se respecte, on se fait confiance ! J’ai l’impression d’avoir des fois une relation quasi fusionnelle avec mon cheval !
Par exemple, mon poney Qoyotte, excellent poney de voltige, va participer à ses troisièmes championnats de France cette année. A chaque championnats, il me fait beaucoup rire car au milieu des milliers de chevaux de Lamotte Beuvron, il fait comme si il était à la maison ! Zen, détendu et en confiance !
Par contre, je sais qu’il déteste quand le cavalier a un objet à la main. Il l’accepte certes, mais je sens qu’il n’est pas à l’aise. Je ne le mets donc jamais en horse-ball. Ce n’est pas une question de désensibilisation car il n’a pas vraiment peur du ballon. Il n’aime pas ça, c’est tout. Etre un cavalier à l’écoute, cela veut aussi dire savoir repérer quand le cheval n’aime pas quelque chose, et donc lui épargner !
Ne pas réduire la relation au travail
La clef pour former un couple cavalier-cheval, c’est aussi de passer du temps ensemble, mais sans réduire la relation au travail. Aller voir son cheval chaque matin pour passer du temps avec lui, sans l’objectif de lui apprendre des choses. En partageant juste du temps.
Je conseille souvent à mes cavaliers de s’asseoir dans le pré et d’observer leur cheval vivre « sa vie de cheval » : manger, se déplacer, jouer, dormir… Passer du temps aussi à lui faire des gratouilles ou juste l’emmener brouter en main… Ce sont des petits moments de la vie qui n’ont l’air de rien mais qui font toute la beauté de la relation entre l’homme et son cheval.
En résumé, comment établir une belle relation avec son cheval ?
Pour moi, la relation entre le cavalier et le cheval n’est pas une question d’autorité descendante. La complicité naît de l’écoute mutuelle, de la bienveillance et de la communication. Elle s’inscrit dans le cadre d’une relation de confiance, basée sur le respect, l’engagement et l’écoute. Le couple cavalier cheval se forme et se consolide dans le temps, par les moments partagés de la vie quotidienne et surtout par l’écoute des besoins de chacun.
Je terminerai par cette citation de Nuno Oliviera :
« Faites du cheval un compagnon et non un esclave, vous verrez quel ami extraordinaire il est. »
Nuno Oliviera
Si cette article vous a plu, pensez à le partager avec vos copains et copines de cheval, et à me dire dans les commentaires: Quelle relation vous envisagez avec votre cheval ?
Bonjour Aurélie, quand j’ai lu votre anecdote où vous avez couru devant votre cheval, il s’est passé une chose étrange : j’ai été prise de gros sanglots qui ont duré un certain temps…!
J’ai fini par comprendre pourquoi. J’aime les chevaux depuis l’âge de 3 ans, j’ai commencé à monter à 11 ans, et la majorité, je dirai 95% de ce qu’on a pu « m’enseigner » concernant l’attitude du cavalier et de l’humain face au cheval allait à l’encontre de ma sensibilité, de ce que je ressentais être « juste » pour lui.
Et là je le vois écris noir sur blanc dans votre blog. Tout ce que j’avais envie de faire avec mon cheval, ou de ne pas faire. Mais les figures d’autorité me disant le contraire, je m’y étais soumise, résignée, forcée, croyant que c’était eux qui avait raison.
Pour moi, il y a déjà une incohérence quelque part quand on dit qu’on aime les chevaux, mais qu’on doit avoir une relation d’autorité, ou de hiérarchie, ou d’obligation, ou de cadres rigides, de règles, etc…
Avons-nous ou désirons-nous ce type de relation avec les personnes qu’on aime? Avec nos enfants?
Et je ne parle pas de gentillesse bisounours, d’attachement ou d’affection, mais bien de l’Amour avec un grand A. Celui qui comprend le respect, la confiance, la bienveillance, l’écoute, la connexion, l’empathie, la compassion. Qui désire que celui qu’on aime s’épanouisse, soit dans le bien-être, puisse avoir l’opportunité de faire ses propres expériences, ses propres choix, etc…Tout en veillant bien sûr à sa sécurité, sa santé, ses besoins, et en tenant compte de ses capacités.
C’est pourquoi je partage tout à fait votre parallèle avec l’éducation bienveillante des enfants. Le cavalier est un peu comme le parent du cheval, car le cheval dépend de lui pour tout : nourriture, logement, soin, apprentissages, loisirs, etc… mais pas dans le sens d’infantilisation.
J’ai eu l’immense chance de passer 15 jours en Arizona, avec les indiens Navajo et leurs mustangs, pour qu’ils nous parlent de leur vision du cheval et nous montre comment ils agissent avec eux.. Pour les Navajos, les chevaux sont un Peuple. Ce sont des Personnes animales, et doivent être traitées comme telles. Cela leur donne un regard très pointu sur les moindres manifestations du cheval et ils ont une très grande connaissance de sa nature, leur permettant d’avoir une relation, une connexion étonnante.
J’ai compris qu’on passait à côté de beaucoup de choses que nous dit le cheval, quand on a un apriori « d’être supérieur », ou de « chef » vis-à-vis du cheval. J’ai vu des interactions « magiques » avec leurs mustangs à moitié sauvages que si je vous les racontais, vous croiriez que je fabule. Nous avons encore beaucoup de choses à apprendre des chevaux, et des animaux, de la Nature en général.
Merçi ,je concorde avec vous pour cette relation cavalière /cheval , et aussi avec Jeanne Gerondo et avec Valèrie Patole.
Bonjour Aurélie.
Bel article, en effet.
Je me permets de rajouter qu’au-delà de la relation cavalier/cheval, un autre paramètre à prendre en compte est celui du cavalier et de sa connaissance de lui-même. Le fait de dégager une force tranquille parce qu’on est une personne posée et calme peut faire que l’autorité (je préfère appeler cela du leadership) se met en place naturellement.
Vouloir s’imposer face au cheval peut être une façon de cacher sa peur ou d’être dans une forme de déni. Le problème en faisant cela, est que le cheval, qui capte notre langage non verbal mieux que nous, perçoit cette incohérence. Il ressent la différence entre nos vrais ressentis et ce qu’on veut faire paraître. Cette dysharmonie provoque en lui de la peur ou des réactions de stress.
J’ai plusieurs fois expérimenté cela avec mon loulou. Le simple fait d’admettre ma peur, mon anxiété ou autre, faisait qu’il se calmait tout seul et cessait de chauffer parce que, aussi, j’arrivais à détendre consciemment mon corps et à lui donner un peu de mou au niveau des rênes. Le résultat était radical.
Après, je n’ai d’expérience qu’avec mon cheval. Je ne sais pas si mes dires peuvent s’adapter à tous.
En tous cas, article très constructif, qui pousse à la réflexion. Merci !
Merci d’avoir mis des mots sur ce que nous ressentons.
On ne peut qu’être d’accord avec ce que vous dites. Si vous permettez, j’ajouterais deux points.
Le premier concerne l’éducation, dont vous faites le parallèle avec celle de nos enfants. Ce qui est parfaitement justifié par expérience pratique. Or, dans le mot éducation même, il y a une notion d’hiérarchie. Puisque l’initiative vient de l’humain. C’est lui qui prend les rênes de toutes choses. La collaboration est dans l’esprit dans lequel il veut orienter son éducation. S’il veut vraiment instaurer un équilibre, une relation qui tend ver l’équitable, c’est la notion d’exemple qui doit garder en tête. « Il n’y a pas d’éducation, il n’y a que l’exemple », disait un de mes amis. Autrement dit se comporter de façon exemplaire face à l’apprenant est gage de confiance et de respect mutuel. Comment demander au cheval d’être calme alors que nous nous énervons ?
Le second point est d’ordre pratique : quand un cheval chauffe, il y a danger. Pour vous, pour lui pour l’entourage. La sécurité est alors le mot d’ordre. Personnellement, si je connais très bien mon cheval et le lieu, je le laisserai se défouler dans un endroit sécurisé, où il ne peut ni se blesser, ni m’éjecter, par exemple sur une pente montante (c’est ce que j’ai fait maintes fois avec les chevaux en débourrage et chauds. En général, ils ne recommencent pas deux fois. Ou alors, je descends marche, trottine et cours avec lui selon le terrain. Ici en montagne on a le privilège des sentiers très accidentés, des plats et des rivières à traverser. Je choisis toujours ce genre de parcours quand le cheval est chaud, une pente au trot et au galop, ça calme son bonhomme très vite. merci pour vos articles.