Je vais vous parler aujourd’hui des aides du cavalier, et notamment faire un focus sur l’action des jambes. Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, je voudrais vous raconter une histoire.
Le samedi matin, c’est poney-club !
Cette histoire, c’est la mienne, mais je pense aussi que c’est celle de beaucoup d’autres cavaliers. Quand j’étais petite, je rêvais de faire du poney. Mon père, qui n’avait pas de chevaux à l’époque, m’emmenait souvent faire des promenades dans le centre de randonnées pas très loin de chez nous. Et puis, à l’âge de 6 ans ou de 7 ans, je ne sais plus, il m’a inscrite dans un poney-club que j’avais eu la chance de découvrir lors de séance de découverte avec mon école.
La vieille école
C’était encore l’époque des cours “vieille école” (et oui, ça me rajeunit pas). Les poneys étaient à la queue-leu-leu, eh non, pardon, “en reprise” sur la piste. La monitrice nous faisait travailler tous ensemble, sur des exercices bien calibrés. Le poney de tête faisait l’exercice et les autres poneys suivaient plus ou moins. Au fur et à mesure de notre progression, nous montions les échelons, pour devenir un jour “chef de reprise”. L’époque n’était pas à la pédagogie active, aux jeux et à l’autonomie. C’était une équitation encore très militaire et on ne bronchait pas.
Les coups de talons
Pour faire avancer nos poneys, nous faisions comme notre monitrice nous l’enseignait. C’est-à-dire qu’on écartait très fort les jambes et boum on donnait des grands coups de talons à nos poneys. C’était normal, c’est ainsi qu’il fallait procéder. Et quand cela ne marchais pas, la monitrice nous criait “ tape plus fort, bon sang !”. Si on n’y arrivait toujours pas, elle nous menaçait d’aller chercher sa “canne à pêche”, sous-entendez la chambrière, et là je peux vous dire qu’on faisait tout pour que le poney avance et vite ! C’était coup de talons, coups de talons et encore coups de talons !
Et puis, je suis passée au fil des ans sur des plus grands poneys. J’avais changé de moniteur. Les cours des grands étaient avec “Monsieur”. Très bon cavalier issu du cadre noir…mais les techniques étaient les mêmes. A part que lui ne prenait pas sa “canne à pêche” mais prenait un paquet de cravaches et nous les lançait dessus quand on n’arrivait pas à faire avancer nos poneys !
Dis comme ça c’est pas très tentant … et pourtant, cela reste dans ma mémoire des belles années. J’allais avec plaisir tous les samedis matin monter mes poneys adorés. Je faisais ce que me demandais mon moniteur ou ma monitrice, normal, j’avais confiance en l’adulte.
Le choc
Et puis un jour, je suis passée à cheval, toujours avec le même moniteur. Et tout à coup, les choses on changées, on n’avait plus le droit aux coups de talons. Avec les chevaux, c’était le travail de la finesse ! Pour moi, ça a été un choc, une grosse remise en question. Et je me suis rendue compte, du haut de mes 12/13 ans que depuis des années, je tapais les poneys avec les jambes alors qu’il existait une autre façon de faire !!!
Aux dires du moniteur, c’était normal. Le travail de la finesse n’était pas possible avec les poneys. Ben oui, gros bidons, pleins de poils et caractère de cochons….La finesse n’est possible qu’avec un cheval, voyons !
Quand je suis devenue monitrice, dix ans plus tard, je me suis promis, juré, craché que dans mon club, on n‘apprendrais pas à donner de coups de talons ! Jamais ! J’ai donc acheté une cavalerie de jeunes poneys et chevaux, que j’ai débourré et éduqué à la jambe. Et bien je vais vous dire un secret…ça marche !
20 ans plus tard…
Malheureusement, on me promenant dans les clubs ou sur les terrains de concours, je vous encore trop souvent des coups de talons. Alors, je ne jette pas la pierre aux enfants qui le pratiquent. Ils n’y peuvent rien, ils appliquent les conseils du moniteur. Mais je ne jette pas la pierre bien sûr aux moniteurs car s’occuper d’un centre équestre est très lourd au quotidien et on a souvent tendance à aller au plus efficace et au plus rapide, plutôt que de prendre le temps de poser les bases. D’autant plus que c’est une chose tellement entrées dans les mœurs qu’on n’y fait plus attention. La plupart des gens ne voient pas l’acte de maltraitance qu’il peut y avoir derrière. C’est normal pour eux, pour démarrer une voiture on tourne la clef, pour faire avancer un poney on donne des coups de talons ! En fait, vous me connaissez maintenant, je ne jette la pierre à personne.
Alors, essayons de comprendre ensemble le mécanisme des aides et voyons comment les mettre en place !
Quelles sont les aides du cavalier pour avancer son poney ?
Voici les consignes que je donne aux enfants lorsqu’ils débutent l’équitation : Pour faire avancer son poney, c’est facile :
1/ J’effectue une pression avec mes deux mollets (pour les tout-petits, je dis serrer les jambes contre le ventre du poney)
2/ Accompagner le mouvement avec le bassin (ou je pousse le poney avec mes fesses)
3/ Je lui dis “marcher”
Eh, oui, c’est aussi simple que ça. Un poney, même avec un gros bidon, même avec pleins de poils partout, et même avec un caractère de cochon, s’il est bien éduqué, il répond à la voix, au poids du corps, et à une toute petite pression effectuée avec les petites jambes d’un enfant de 7 ans !
Quelles sont les conséquences de coups de talons ?
Intéressons-nous maintenant aux conséquences des coups de talons :
1/ pour le cavalier
Vous avez certainement déjà vu des petits bouts de choux écarter très fort les jambes, presque à l’horizontal et les redescendre très fort en tapant le ventre du poney.
Si nous reprenons les consignes simples du paragraphe d’avant, posons-nous cette question :
A quoi nuisent les coups de talons ?
Eh oui, vous avez trouvé ! Les coups de talons empêchent le fonctionnement du bassin. Il est en effet impossible de mettre des coups de talons et en même temps d’accompagner son cheval avec son bassin. Les cavaliers qui apprennent à donner des coups de talons ne vont pas développer un bon liant avec leur cheval et du coup n’aurons pas une bonne assiette.
Mais attendez, il y a encore pire. Si je n’ai pas de liant avec mon bassin, quand mon cheval avance, je me déséquilibre … et donc, je sers mes genoux. Et vous connaissez la suite, qui dit genoux serrés, dit talons vers le haut, épaules en avant, mains crispées sur les rênes et chute à la première occasion §
Il est donc nécessaire de focaliser le cavalier sur l’importance du mouvement du bassin. Le poids du corps est la meilleure façon de communiquer avec son poney ou son cheval.
2/ pour le poney
Je parle de poney mais je suis bien consciente que beaucoup de chevaux subissent le même sort. Que se passe-t-il donc chez le poney quand il reçoit un coup de talons ? Eh oui, ça fait mal. Si le poney avance, il le fait sous la contrainte et non dans une dynamique de communication et de complicité avec son cavalier. Il va même très certainement baisser les oreilles et profiter du moins déséquilibre du cavalier pour placer une bonne petite ruade au bon moment !
Mais il y a pire que cela. Comme le poney a mal, et cela de façon répétée, son corps va mettre en place un mécanisme de protection : il va “désactiver” les terminaisons nerveuses présentes au niveau du talon du cavalier. Le corps du poney se protège en ne ressentant plus les coups.
Mais alors que va faire le cavalier ? Eh oui, malheureusement, il va taper plus fort, et s’y habituer. C’est-à-dire qu’on monte tout le temps sur l’échelle que l’on appelle joliment le renforcement des aides. Au final, le poney va devenir froid à la jambe, c’est-à-dire qu’il ne répondra plus du tout aux actions des jambes.
Est-ce toujours possible de faire sans coups de talons ?
En bonne Normande que je suis, ma réponse va être oui et non.
Non pour certains cavaliers. Notamment les tout-petits qui n’arrivent pas forcément à exercer des pressions avec leurs mollets. Je pense aux cours baby-poney par exemple. Pour eux ma consigne est que si la pression ne marche pas, car on commence toujours par-là, je vais leur demander d’encourager avec la voix et de bien pousser avec les fesses. Après cela, ils peuvent mettre un tout petit coup avec leurs mollets.
J’ai aussi le cas avec des élèves plus grands en âge, mais petits pour leur âge en taille. Je vais plutôt privilégier de les mettre avec des camarades de leur âge. Du coup, ils montent sur des grands poneys, et leurs jambes dépassent à peine des quartiers de selle. Dans ce cas, les pressions ne sont pas très efficaces. Je les autorise donc à mettre un petit coup avec les mollets, toujours en renforçant les autres aides.
Mais je réponds aussi oui. Il est quand même toujours possible de faire sans coups de talons. Je préfère personnellement donner une cravache à un cavalier qui n’a pas d’actions efficaces avec ses jambes plutôt que de l’habituer à donner des coups de talons car les mauvaises habitudes ont la vie dure. La cravache ne va être que transitoire avec la plupart des poneys et des cavaliers.
Comment éduquer mon cheval à la finesse ?
Vous avez un jeune cheval, vous voulez qu’il vous réponde à la moindre pression de mollets. Pas de souci, c’est rapide. C’est beaucoup plus facile d’apprendre à un poney la finesse que de rééduquer un poney blasé aux coups de talons, comme on le verra ci-dessous.
Voici mes conseils :
Quand vous débourrez votre cheval, insistez sur le travail à la longe et notamment sur les transitions à la voix. Ne montez sur votre cheval que lorsqu’il maitrise parfaitement les transitions montantes “Marcher, Trotter, Galope !” et les transitions descendantes “Ooooo trot, Ooooo pas, Aaaa rêt”.
Ensuite il suffit d’associer une fois à cheval le mouvement du bassin à la voix, associé à une micro-pression des mollets !
Votre cheval est habitué aux coups de talons
Pour rééduquer votre cheval à la jambe, faites les choses en douceur. Si possible, évitez ce que l’on appelle “la leçon de jambe” en renforçant l’action de votre jambe avec un coup de cravache juste derrière le mollet. Cela ne va servir à rien, si votre cheval est froid à la jambe, il est froid à la jambe!
La bonne nouvelle pour vous, c’est qu’en l’absence de sollicitation, la zone où vous votre jambe agit va pouvoir se régénérer. Donc voici comment je procède :
1/ Je reprends le travail à la longe pour instaurer une maîtrise totale des transitions A LA VOIX
2/ Uniquement lorsque c’est parfaitement acquis, montez sur votre cheval et n’utilisez que la voix et le mouvement de votre bassin. Si le cheval ne répond pas et que vous êtes tentés de serrer à nouveau vos jambes, utilisez plutôt votre cravache doucement sur la croupe. Il faut laisser le temps à votre cheval d’apprendre des nouveaux codes.
3/ Au bout d’un moment passez-vous de votre cravache.
4/Quand votre cheval réponds parfaitement à la voix et au poids de votre corps, réinstaurez ensuite des micros-pressions, auxquelles votre cheval devrait maintenant répondre
Gardez à l’esprit que de rééduquer des chevaux à la jambe est long et fastidieux. C’est la raisons pour laquelle je ne voulais pas de chevaux déjà mis quand j’ai ouvert mon club. J’ai préféré débourrer tout le monde pour être sûre d’avoir des chevaux au top.
Gardez à l’esprit qu’une mauvaise habitude est dure à perdre !
Si cet article vous a pu, n’hésitez pas à le partager!
Si votre cheval est froid à la jambe (ou pas) faites-moi en part dans les commentaires, cela me fait toujours plaisir de vous lire !
Merci pour cet article ! j’ai également ce problème, ma demi-pension avait fait du club pendant un bout de temps et était montée régulièrement par des enfants ou des débutants. La ponette est donc complètement froide à la jambe et j’entend très souvent des cavaliers de mon écurie me dire qu’il ne faut pas se laisser faire, qu’il faut que je lui rentre dedans et qu’elle est entrain de se moquer de moi. Cela m’attriste car les gens ne se rendent pas compte à quel point elle est blasée et n’a plus aucun goût au travail, de ce fait la communication entre nous n’est pas au top. Mais je ne désespère pas, je la travaillerai dans le bon sens avec mon coach 🙂
J’ai ce pb avec mon dadou ! Et autour de moi j’entends : « mets le en avant, donne des coups de talons et un coup de cravache derrière la jambe » ! ça fait des mois que je dis que cela ne sert à rien, alors on me laisse me débrouiller !!!!! Personne n’a jamais réagit comme vous le faites ici ! MERCI !
Bonjour, merci pour cet article qui est passionnant.
Je suis dans un centre équestre où les poneys sont habitués aux coups de talons et malgrès le fait que je voudrais être plus délicate, je n’ai parfois pas le choix avec des poneys habitués. Comment pourrai-je faire ?
Je sais qu’une des solutions serait de changer de club pour un qui pratique de meilleures façons de faire mais il n’y en a pas d’autre près de chez moi et j’aime malgré tout l’ambiance du mien. Avez vous des solutions pour moi?
Bonjour merci pour votre commentaire ! Cela n’a rien d’évident lorsque les poneys n’ont pas été habitués à répondre aux pressions de mollets et à l’action du bassin … Le mieux serait d’en parler à votre moniteur, mais il y a toute l’éducation des poneys à refaire et rares sont les moniteurs enthousiastes à le faire ! Bon courage et belle année 2020 !
Bonjour, merci pour cet article qui est passionnant.
Je suis dans un centre equestre où les poneys sont habitués aux coups de talons et malgrès le fait que je voudrais être plus délicate, je n’ai parfois pas le choix avec des poneys habitués. Comment pourrai-je faire ?
Je sais qu’une des solutions serait de changer de club pour un qui pratique de meilleures façons de faire mais il n’y en a pas d’autre près de chez moi et j’aime malgrès tout l’ambiance du mien. Avez vous des solutions pour moi?
bonjour,
J’aimerais vous soumettre le cas du cheval de mon épouse qui est froid à la jambe. Pour le présenter rapidement il me faut préciser qu’il est seulement monté depuis bientôt 1 an, après un excellent travail à pied de type éthologique et apprentissage des exercices d’equifeel par la propriétaire précédente. Il a eu du mal d’accepter le travail monté, il a aussi un petit caractère bien trempé, mais s’y est fait avec de la patience et l’intervention d’une pro, cependant il reste encore beaucoup de travail.
Elle utilise la voix avec les codes du travail en longe pour le faire avancer, le « marcher » et le « trotter » fonctionnent mais le « galoper » reste galère, il daigne réagir quand elle utilise une cravache après les demandes à la jambe et à la voix mais ça reste trop incertain. Avez-vous un avis sur la question ? merci pour votre réponse, bien cordialement.
Bonjour ce n’est jamais évident de pourvoir aider à distance sans avoir le cheval en action. As t il déjà un bon galop à la longe ? Est ce uniquement le départ au galop qui est compliqué ou le maintient du galop ? Avez vous le même problème en manège et en extérieur ? Placez vous vos aides pour un départ au galop par prise d’équilibre ou est ce que vous lui demandez un galop en accélérant le trot ? Arrive t il à partir au pas et au trot avec l’action de la jambe et du bassin seules ou a t il toujours besoin de la voix ? En fait toutes ces questions vont me permettre de déterminer si son problème de galop est lié à un problème d’équilibre ou à un problème de compréhension de la jambe. J’attends vos précisions et j’espère pouvoir vous aider.
Tout à fait d’accord, sauf sur 2 points :
– le mouvement d’assiette se donne avant la pression des mollets
– le coup de cravache se donne derrière la jambe et non sur la croupe
Et effectivement, comme dit plus haut : merci de rappeler que les poneys sont des chevaux comme les autres !
Bonjour Jacquet,
Je suis d’accord avec vous pour le coup de cravache. Je préfère le donner derrière la jambe afin d’indiquer au cheval que c’est à cette aide là qu’il ne me répond pas.
Cependant L’assiette est après les jambes. Pourquoi ? Votre bassin est sur la ligne du dos de votre cheval. Plus vous manipuler la ligne du dos plus vous modifier l’équilibre de votre cheval (qui se traduira par un cheval qui sors de la mise en main). C’est pour cela que nous utilisons les jambes pour faire avancer le cheval (demander l’impulsion). S’il ne répond pas, le bassin le poussera en avant pour créer un déséquilibre qui l’obligera à avancer (Comme si je vous pousser les épaules en avant. Je vous déséquilibre vers l’avant ce qui vous oblige à faire un pas pour ne pas tomber).
Imaginez cette sensation : Vous mettez la jambe et votre cheval va regrouper ses postérieurs sous la base en baissant l’arrière-main et vous propulser comme une fusé vers l’avant. Chose que vous ne pourrez pas faire en mettant l’assiette avant les jambes car il est en déséquilibre sur les épaules.
Voilà mon explication. J’espère qu’elle vous a plu.
Excellente journée à vous.
Hélène
Article très intéressant je vous en remercie ????
Il exprime très bien le pourquoi du fait que je n’ai jamais aimé le club et sa monitrice très vieille école et adepte de la canne à pêche ^^
Pour ce qui est de mon équitation personnelle ma moitié équine depuis plus de 10ans bientôt m’a appris à sa façon la finesse des aides… C’est une jument tellement sensible des flancs que le fait de serrer les mollets s’apparente à donner un grand coup de talon… Je vous laisse imaginer le résultat en donnant un coup de talon (non le sable de mon manège n’est pas bon, oui j’y ai goûté plusieurs fois) ????
Très bel article qui explique bien que les pratiques évoluent avec la connaissance de tous les acteurs. Le poney en est un important qu’il convient de comprendre. Merci Aurélie pour ces bons conseils.
Merci de mettre les petits cavaliers avec des copains de leur âge et sur des grands poneys plutôt que de les obliger à rester avec les petits juste à cause de leur taille ! Ça a été très difficile pour ma cousine qui l’a vécu et difficile à faire comprendre à la monitrice.
Et merci de rappeler que les poneys sont des chevaux comme les autres, et que la douceur et la précision peut d’apprendre à tout âge, même chez les plus jeunes.